Ô miroir, dis-moi avec quelle oreille j’écoute !

Nous pensons tous savoir écouter correctement, n’est-ce pas ? Mais suffit-il vraiment de tendre l’oreille ? Et surtout en avons-nous vraiment, profondément envie ? Envie de découvrir l’autre, de le découvrir réellement, au-delà de nos a priori.

Offrons nous à l’autre la possibilité d’exister, sa place d’être et non de paraître ? Et en miroir : sommes-nous prêts à offrir un peu de notre vérité à l’autre ?

Nos références font filtre !

Il y a en nous un étrange secrétaire, en mal de résolutions, qui cherche à tout trier, classifier et ranger selon ses critères : il traduit ainsi chaque expression, attitude, regard selon notre éducation, nos souvenirs, nos références de toutes sortes… Mais notre besoin d’être aimé et reconnu génère la peur d’être sous-estimé, rejeté, jusqu’à saboter notre capacité de remise en question.

Notre façon d’écouter est ainsi un fabuleux miroir reflétant notre conditionnement.

Avec le temps, les informations ainsi traitées entretiennent et renforcent notre illusion du savoir, de l’expérience et de l’apprentissage de la vie, mais aussi la croyance de « bien connaître » nos proches.

Mais de quelle manière le temps intervient-il dans la « connaissance » de l’autre ? Quelle valeur a-t-il dans notre évolution ?

Sommes-nous plus matures et expérimentés lorsque nous sommes plus âgés, alors que notre vie n’est qu’une somme d’informations instantanément déformées par notre traducteur intérieur ?

Se pourrait-il que nous programmions subtilement nos oreilles, nos sens, voire toute notre vie, selon nos représentations du monde et le rêve de ce que nous attendons de lui ?

Il s’agit là de tout un conditionnement multi-influences, programmant nos choix de vie, notre façon de la réfléchir (terme qui n’est malheureusement plus pris au sens propre, celui d’un miroir !), d’aimer (ou pas !), d’exister, faisant de nous des machines très perfectionnées à contrôler notre perception de la réalité.

« La vérité sort de la bouche des enfants » est une expression très révélatrice. Elle nous montre un être tout neuf, innocent, non « éduqué », dont on reconnaît la capacité à dire « la vérité » (qui dérange ?), encore authentique donc ! Bien qu’il soit déjà implicitement influencé par ce que l’on attend de lui, entre-autre.

Une fois adulte, nous nous indignons quand la réalité trahie nos croyances, au point d’éviter de la regarder en face ! La peur d’avoir à remettre tout en question nous possède, en particulier celle de découvrir qui nous sommes vraiment : des êtres ignorants, naïfs et vulnérables…

Oui, des êtres ignorants et vulnérables face aux lois éprouvantes et incontrôlables de la vie, et il nous est très difficile de le reconnaître ! Ainsi, perdu dans notre vaste nature vierge et sauvage, nous nous cherchons. Nous construisons notre image au travers du regard de l’autre auquel nous donnons toute puissance, au point de ne plus le supporter ! Nous tombons ainsi dans un double conflit : le « besoin » que l’autre nous considère pour exister, et en opposition, le rejet d’avoir « besoin » du regard et de l’attention de l’autre !

Les repères ne sont pas figés !

Les repères sont nécessaires à notre construction, certes ! Mais nous nous raccrochons tant à l’image espérée de soi (espérée par soi, les parents, la société…) que nous en venons à refouler tout ce qui n’en serait pas le reflet : émotion, aspiration, force et fragilité…

N’est-ce pas ce processus qui nous pousse à vouloir contrôler toute notre vie, parfois jusqu’aux êtres qui nous entourent ?

Ceci afin que tout soit, dans notre entendement, aussi conforme que possible à nos croyances et aux attentes générales de notre milieu.

La petite histoire de madame X :

« Ma mère et moi avons été abandonnées par mon père quand j’avais 7 ans. Plus tard, je me suis rendue compte que j’avais toujours au fond de moi la sensation de ne mériter l’amour de personne, et de n’avoir suffisamment d’importance pour que l’on reste longtemps à mes côtés. J’ai donc tout fait pour montrer ma valeur et surtout mériter l’amour, jusqu’à étouffer l’autre. Je ne prête pas l’oreille aux gens, qui d’une manière ou d’une autre me renvoient à mes imperfections, avec le doute et la crainte que celles-ci ont peut-être fait fuir mon père… »

Nous attendons ainsi de ceux qui nous entourent qu’ils nourrissent les croyances auxquelles nous nous raccrochons pour mieux supporter la vie (sous peine de conflits voire de rejets…).

Mais les dérangements, les peurs et les émotions refoulés font leurs nids, et conditionnent notre état d’être.

Nous devenons ainsi prisonniers de nous-mêmes, dans un cercle vicieux qui ne peut que : nous donner raison ! Notre bibliothèque intérieure est si remplie de références choisies qu’il nous est presque impossible de recevoir de nouvelles informations contraires à nos représentations !

En conscientisant nos « stratégies de survie » avec ses sœurs la justification et la négociation, nous devenons peu à peu moins dupe de nous-même.

Enfin, les masques se posent !

Il ne s’agit pas juste de l’audition, mais de notre pleine disposition intérieure à recevoir l’information, dont les cinq sens ne sont qu’un outil. Nos cinq sens, OUI, ce qui suppose de ne pas vivre haut perché, dans la tête et les concepts, coupé du corps et des émotions, sans traverser la terre de l’expérience !

Autrement dit : écouter c’est être pleinement présent à soi, à l’autre, dans une ouverture sans jugement, permettant d’accueillir ce qui est, et de s’adapter à la vie ici et maintenant, malgré l’inconfort. C’est commencer à éprouver la vie dans son présent, au-delà de l’idée que nous nous faisons d’elle. C’est accueillir la peur du dérangement de ne pas être conforme à l’image de soi, aller au-delà du « moi je pense que », ou encore la possibilité de vivre en toute nouveauté chaque perception de la vie, de soi, de l’autre…

Mais disons-le : recevoir, accueillir et écouter dans une telle ouverture, demande beaucoup de courage et de bienveillance. Son cheminement suppose l’acceptation du dérangement et la reconnaissance profonde de nos croyances et repères de confort. Mais une reconnaissance qui se fait dans l’acceptation : de la peur de nous tromper, d’être dans l’inconnu, le vide, et de faire avec ! C’est donner de la place à la vie et non à l’étouffement.

N’oublions pas une chose essentielle : nous avons tous le droit à l’erreur, et encore plus le droit de nous réadapter, sans quoi, comment pourrions-nous humainement grandir ?

La définition de l’intelligence dans le dictionnaire n’est pas « le savoir », mais la capacité d’adaptation !

Nous attendons tant de choses de la vie, mais si c’était la vie qui attendait de nous ?

Ainsi, ce magnifique espace d’écoute nous conduit peu à peu à faire table rase de nos certitudes, à apprendre l’humilité et le silence, à mettre tout notre être et tous nos sens au service de l’attention et de la vie.

Que vive la véritable et juste considération de la vie dans toutes ses manifestations!

Terre Holistique