Les masques et conditionnements émotionnels
Certains la voient comme signe de sensiblerie, voire de fragilité, d’autres ne vivent que par elle, comme preuve d’humanité ou d’intensité de la vie : l’émotion ! Mais l’émotion ne serait-elle pas souvent chargée de nos croyances, conditionnée par nos batailles internes ? Que viennent-elles alimenter en nous-mêmes ? Et existe t-il différentes qualités d’émotions ?
Un peu d’étymologie
Le mot émotion vient du mot latin « motion » = mouvement, le E qui le précède signifie « qui vient de ».
Il s’agit d’un mouvement interne ressenti, provoqué par un facteur inhabituel à nos repères, à une norme. De fait, l’hyper-contrôle qui refoule, ou à l’opposé, l’extériorisation explosive qui défoule, s’éloigne de l’intérêt informatif de l’émotion, révélant que nos repères habituels sont ébranlés.
L’émotion n’est donc pas à confondre avec la sensibilité, la sensiblerie, la susceptibilité, bien que chacune de ces facettes puissent générer des épanchements émotionnels !
A l’extrême opposé, le rationalisme (raison), tente de détourner l’émotion par des croyances (repères) d’origines culturelles toutes relatives, afin de nous rassurer, par peur de perdre le masque de la « dignité » ou de contacter notre vulnérabilité !
Le mimétisme émotionnel
Nous construisons nos personnages émotionnels ou « anti-émotionnels » pour nous adapter à notre entourage immédiat. Elles deviennent un langage complexe, dont nous reconnaissons les repères pour jouer de nos multiples masques de sociabilisation, jusqu’au personnage d’apparence que nous nous construisons. C’est ainsi que nos émotions deviennent majoritairement des réflexes mécaniques d’adaptation, conditionné par nos codes émotionnels, sociaux et culturels !
Nous sommes extérieurement joyeux, triste, ébranlé, pour paraître « vivant » et « sensible » ; ou au contraire rigolard et plaisantin pour cacher la tristesse, impassible pour se parer d’un masque coriace d’invulnérabilité et paraître tout puissant et maître de soi !
Nous sommes devenu des comédiens de vie sociale très fins, en oubliant, par adaptation, notre simplicité.
Et bien souvent … un sentiment de solitude, et de fait ne pas se sentir compris dans ce que l’on ressent profondément s’installe. Le personnage que nous laissons paraître n’est pas en adéquation intime avec ce que nous ressentons profondément.
La crainte de ne pas être aimé pour ce que nous sommes, ressentons, craignons, nous conduit renforcer une image de soi digne de notre idéal humain. Nous nourrissons ainsi un personnage de survie émotionnelle, nous éloignant d’une véritable authenticité.
Accepter de retrouver la légèreté et l’humilité de se mettre à nu, pour retrouver notre authenticité relationnelle :
Notre personnage d’adulte « fort » et « digne », doit accepter de se débarrasser peu à peu de ses masques de survie sociale pour retrouver son authenticité, tel un « chevalier à l’armure rouillée »∗ qui doit se dévêtir pour retrouver sa fluidité et son élan de vie !
C’est un travail de dés-identification à nos émotions les plus courantes : nous ne sommes pas nos émotions, elles ne sont que des réactions internes qui viennent nous informer sur notre relation à la vie : nos espoirs, sentiments, projections, attachements (nostalgie), peur, etc;
Emotions positives ou négatives ?
Les émotions ne sont pas anodines : elles sont des messagers, qui reflètent d’une part nos attaches et blessures d’égos, et d’autres part, les idéaux de vie (croyances) qui parfois s’effondrent et bouleversent nos repères. Elles viennent titiller ce à quoi nous nous cachons, ou nos mémoires enfouies. Ce que nous appelons une belle émotion peut être toutefois très conditionnées par notre histoire. C’est pourquoi une émotion d’apparence positive peut nous vampiriser de l’énergie en alimentant nos croyances.
Les émotions régénérantes sont constructives car elles viennent nous rappeler notre mission d’âme, les aspirations profondes de notre cœur ! Elles nous calment et nous recentrent, nous amenant davantage vers les voies de l’être.
Il est donc nécessaire, dans un « travail » sur soi, d’accepter de mettre carte sur table sur ce que l’on ressent vraiment, derrière les réflexes émotionnels habituels. Nos émotions peuvent nourrir l’épanouissement ou la frustration, l’être ou l’égo !
Nous venons décortiquer des mécanismes subtils, transgénérationnels et culturels. Nous venons discerner la peur d’être jugé pour ce qui nous habite ou ce que nous projetons « être ». Nous venons toucher notre vulnérabilité humaine, début de l’humilité.
Et surtout, nous marchons sur la voie initiatique de la vie, à la découverte de notre vaste monde intérieur !
Que la vie puisse nous enseigner sur la voie du moins, du dénuement, de l’humilité et de l’être …
∗ Livre : « Le chevalier à l’armure rouillée » de Robert Fisher